Dans un arrêt rendu le 2 juin 2020, la cour d'appel de Paris a estimé que le « bore-out », causé par l'ennui au travail, pouvait bien donner lieu à une condamnation de l'employeur. Le syndrome de l'ennui est un trouble psychologique qui provoque une maladie physique, principalement due à une sous-charge mentale sur le lieu de travail en raison d'un manque de charge de travail quantitative ou qualitative adéquate. L'une des raisons de l'ennui peut être que la description de poste initiale ne correspond pas au travail réel.
Ce « syndrome dû à l’ennui provoqué par le manque de travail ou l’absence de tâches intéressantes à effectuer, engendrant une démotivation, une dévalorisation de soi, ainsi qu’une intense fatigue physique et psychique ».
En clair, à l’opposé du burn out, le bore out est le mal dont souffrent les salariés à qui on ne demande plus rien, pas assez pour les occuper ou à qui on confie des tâches subalternes, sans rapport avec leurs qualifications.
L'affaire sur laquelle s'est prononcée la cour d'appel de Paris remonte à 2014 et concerne le cas de Frédéric Desnard, ex-responsable des services généraux chez le groupe Interparfums. Frédéric Desnard, qui avait alors 44 ans, avait été placé en arrêt maladie pendant six mois en 2014, après une crise d'épilepsie survenue tandis qu'il était au volant, laquelle avait entraîné un accident de voiture.
Depuis 2010, avec la fin du contrat de la plus grande marque pour laquelle travaillait Interparfums, la charge de travail du responsable des services généraux avait considérablement diminué. Ce dernier, qui a saisi les prud'hommes pour contester son licenciement et avait obtenu gain de cause, avait ainsi expliqué que son arrêt maladie résultait d'une forme de harcèlement moral au travail.
En effet, responsable des services généraux où il s'occupait à la fois des tâches logistiques et administratives, il explique avoir été brusquement ostracisé, perdant toutes ses attributions, n'ayant « plus aucune tâche » à exécuter si ce n’est des missions subalternes sans rapport avec son poste : il s’est retrouvé à configurer la tablette de son patron, s'occuper du fer à repasser de son employeur, etc. À force de réclamer en vain du travail, il est tombé en dépression : « Je n’avais plus l’énergie de rien. Je ressentais un sentiment de culpabilité et de honte de percevoir un salaire pour rien. J’avais l’impression d’être transparent dans l’entreprise. »
En 2016, son avocat Montasser Charni a déclaré : « M. Desnard a clairement été victime d'une mise à l'écart intentionnelle de la part de son ex-employeur qui a atteint son objectif : le licencier sans avoir à lui payer d'indemnités et notamment d'indemnité compensatrice de préavis ».
Les juges reconnaissent « le manque d’activité et l’ennui de M. Desnard », ce qui a bien conduit à la dégradation de son état de santé. Un témoignage, retenu par les juges, est particulièrement frappant : « M. Desnard en avait marre de ne rien faire… Il ne servait que de bouche-trou et cette situation le rendait très dépressif à tel point qu’il parlait de plus en plus de se suicider ». Un autre salarié écrit : « Il a sombré petit à petit, au fur et à mesure qu’il s’est vu placardisé ».
Les juges ont reconnu que « le manque d'activité et l'ennui » du salarié avaient bien mené à la dégradation de son état de santé. La cour d'appel de Paris a établi que le « bore-out », explicitement cité, constituait bien une forme de harcèlement moral, et qu'à ce titre, il était donc condamnable.
Dès le premier jugement, en 2018, les Prud’hommes ont donné raison à Frédéric Desnard, estimant que son employeur lui avait fait subir une forme de harcèlement moral. Et la Cour d’appel, sollicitée par l’ex-employeur, a été dans le même sens dans son jugement du 2 juin. Interparfums devra donc verser plus de 50 000 euros de dédommagement à son ancien salarié. De son côté, Frédéric Desnard est reconnu comme invalide. Depuis six ans, il n’a pas retrouvé d’emploi.
Cette reconnaissance officielle du bore out par la justice française permet de « créer une avenue pour toutes les personnes qui ne parviennent pas à mettre un nom sur leur situation ». Le jugement dit que les conséquences de cet ennui et cette placardisation constituent du harcèlement moral, et il ouvre la voie à d’autres procès.
Source : France Info
Et vous ?
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Le , par Stéphane le calme
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